Alors que la Première Guerre mondiale ravage l’Europe, les Pays-Bas, restés neutres, se retrouvent pris en étau entre les belligérants. Le blocus imposé par le Royaume-Uni sur l’Allemagne tarit les importations de véhicules et de carburant. Les Néerlandais se tournent alors vers le vélo, moyen de transport pratique et économique. Par Sylvain Lesueur / Cycliste au quotidien
C’est dans ce contexte que naît le “vélo hollandais”. Inspiré des modèles anglais, il se distingue par son confort, son esthétique, sa sécurité et sa fiabilité. Les Néerlandais développent ainsi leur propre industrie du cycle, s’affranchissant de la dépendance à la production anglaise concentrée à Coventry, berceau de l’invention du vélo moderne.
La crise de 1929 frappe l’Europe, mais le vélo résiste. La voiture, encore un bien de luxe, reste inaccessible à la majorité. Les classes moyennes et populaires continuent d’acheter des bicyclettes, dont le prix a fortement baissé depuis le début du siècle. En France, le parc cycliste s’accroît de 30% pour atteindre 9 millions de vélos en 1939. Le vélo devient un véritable outil du quotidien, utilisé pour le travail, les vacances ou le transport de marchandises.
Gino le Pieux, champion de la Résistance italienne
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le vélo devient un allié précieux. Silencieux et discret, il sert au ravitaillement des populations urbaines et à la résistance. Gino Bartali, vainqueur du Tour de France en 1938 et 1948, sillonne l’Italie occupée par les nazis, cachant de faux papiers dans le cadre de son vélo. Malgré la pénurie de caoutchouc et de pièces détachées, les cyclistes apprennent à bricoler et à entretenir leurs machines.
Gino Bartali, le cycliste résistant Il est un exemple remarquable de courage et d’altruisme. Son histoire nous rappelle l’importance de la résistance face à l’oppression et le rôle que le sport peut jouer dans la défense des valeurs humaines. Il fut membre d’un réseau clandestin de résistance appelé “Delasem”, qui aidait les juifs à s’échapper d’Italie. Son rôle ? Il transportait les faux papiers et les messages secrets dans le tube de sa selle et dans les tubes du cadre de son vélo. Pour cela, il effectuait de longs trajets à vélo, souvent sous le couvert de l’entraînement, pour éviter les soupçons. Gino Bartali a été arrêté et interrogé par la Gestapo, mais il a réussi à cacher son rôle dans la résistance. Son histoire a été révélée au grand public après la guerre, et il a été reconnu comme un héros national. |
L’après-guerre marque un tournant. La motorisation se généralise et le vélo est associé aux pénuries et à une image dégradée. Sa pratique s’effondre dans toute l’Europe. Le vélo hollandais, symbole de résilience et d’indépendance, a pourtant marqué l’histoire. Son héritage inspire aujourd’hui un regain d’intérêt pour la bicyclette comme moyen de transport durable et accessible à tous.
L’influence du vélo hollandais
sur le développement du cyclisme en Europe
Le vélo hollandais, né dans un contexte de pénuries et d’isolement pendant la Première Guerre mondiale, a eu un impact considérable sur le développement du cyclisme dans les autres pays européens. Avec son cadre robuste, ses pneus larges et son porte-bagages intégré, il a inspiré la conception des vélos dans de nombreux pays. En effet, son confort et sa praticité ont contribué à rendre le vélo plus accessible et attrayant pour un large public.
Un modèle d’aménagement urbain
Les Pays-Bas ont été pionniers dans l’aménagement de pistes cyclables et d’infrastructures dédiées aux cyclistes. Le modèle hollandais, avec ses intersections sécurisées et ses voies cyclables larges et séparées du trafic automobile, a été adopté par de nombreuses villes européennes, contribuant à la sécurité et à la fluidité du trafic cycliste.
Devenu incontestablement un symbole de la culture cycliste néerlandaise, le vélo hollandais reste une référence, caractérisée par son omniprésence et son intégration dans la vie quotidienne. Il est considéré comme un moyen de transport à part entière, utilisé par toutes les catégories de la population pour se rendre au travail, faire ses courses ou se divertir. Cette image positive a contribué à promouvoir le vélo dans d’autres pays, encourageant les populations à adopter ce mode de transport durable et sain.
Alors que le succès du vélo aux Pays-Bas ne s’est jamais démenti, il a incité les gouvernements de nombreux pays européens à investir dans des politiques cyclables ambitieuses. Ces politiques, inspirées du modèle hollandais, visent à promouvoir le vélo comme mode de transport alternatif à la voiture, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l’amélioration de la santé publique.